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Copropriété, bailleur et locataire : une relation triangulaire délicate

par Lex Thielen.


De nombreux appartements résidentiels et locaux commerciaux ou professionnels sont donnés en location dans un immeuble soumis au régime de la copropriété. Des interférences naissent ainsi nécessairement du fait que le locataire vit ou travaille dans un local qui ne comporte pas seulement des parties privatives, mais aussi des parties communes, qu’il doit partager avec d’autres copropriétaires, ou leurs locataires. Cette cohabitation entre une copropriété, avec son statut et ses règles propres, représentée par son syndic, et le locataire ainsi que son copropriétaire bailleur n’est pas toujours facile

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A. Les rapports entre la copropriété et le copropriétaire bailleur


Les relations entre le copropriétaire bailleur et le syndicat des copropriétaires sont régies par la loi modifiée du 16 mai 1975 portant statut de la copropriété des immeubles bâtis, la jurisprudence ayant dû résoudre les situations non prévues par la loi.


1. Restrictions au droit de location

Le copropriétaire a sur son lot tant un droit de disposition que de libre jouissance; il peut donc le donner en location. Une clause du règlement de copropriété ayant pour effet de restreindre le droit du copropriétaire de donner en location son lot devrait dès lors, en principe, être réputée non écrite.


La jurisprudence admet néanmoins dans certains cas la validité de telles clauses au regard de la destination de l’immeuble, si celle-ci justifie ou non la clause de restriction contenue dans le règlement de copropriété. Ainsi, les clauses d’habitation bourgeoise, qui ne permettent l’exercice d’aucune activité professionnelle dans l’immeuble en question ou seulement l’exercice de certaines activités, notamment d’une profession indépendante, sont licites car elles ont pour objet la préservation de la destination de l’immeuble.


Le copropriétaire qui a donné en location un lot en violation du règlement de copropriété risque de faire l’objet d’une action en responsabilité contractuelle du syndicat des copropriétaires ou d’un autre copropriétaire, alors que le règlement de copropriété est considéré comme un contrat entre les divers copropriétaires.

2. Information du syndic


Comme tout transfert de propriété d’un lot, toute constitution sur ceux-ci de certains droits - dont un droit d’usage ou d’habitation tel un contrat de bail - doit être notifié sans délai au syndic. Cette notification doit indiquer la désignation du lot ou de la fraction de lot en question ainsi que les nom, prénoms et domicile du titulaire de ce droit.

3. Charges

En principe le syndic transmet au copropriétaire bailleur le décompte de l’ensemble des charges dont il est redevable à l’égard de la copropriété pour le lot donné en location, que ces frais soient à charge du bailleur ou récupérables auprès du locataire.


La plupart des syndics ventilent aujourd’hui les décomptes des copropriétaires entre frais à charge du propriétaire et ceux à charge du locataire. Rien ne les y oblige cependant, si ce service n’est pas prévu dans leur contrat avec la copropriété.


4. Responsabilité du bailleur du fait du locataire

Le copropriétaire bailleur est tenu responsable des violations du règlement de copropriété par le locataire. Cette responsabilité est contractuelle envers le syndicat des copropriétaires et les divers copropriétaires pris individuellement, et quasi-délictuelle envers les locataires d’autres lots affectés par le trouble ou le dommage provenant du local donné en location, voire des voisins d’autres immeubles.


Par ailleurs le copropriétaire bailleur est responsable à l’égard du syndicat des copropriétaires des dommages occasionnés par le locataire lors de travaux que le bailleur l’a autorisé à effectuer, p.ex. si ces travaux portent atteinte à la solidité de l’immeuble.


B. Les rapports entre le copropriétaire bailleur et le locataire


Les relations entre le bailleur et le locataire, quant à elles, sont régies par le contrat de bail et par la législation sur le bail. Il s’agit d’ailleurs des mêmes règles que l’objet loué fasse partie ou non d’une copropriété. Cependant le copropriétaire-bailleur ne peut pas transmettre à son ayant-droit, le locataire, davantage de droits qu’il n’en détient lui-même de la loi du 16 mai 1975 sur la copropriété ; les restrictions que cette loi lui impose s’imposent ainsi aussi au locataire.

1. Le copropriétaire bailleur est l’interlocuteur du locataire


Pour tout ce qui concerne l’exécution du bail, le bailleur reste le seul interlocuteur du locataire qui ne saurait s’adresser à cet effet au syndic.


Si un locataire a des doléances concernant la jouissance des lieux, il doit les transmettre au bailleur ; si elles concernent les parties communes, rien n’empêche qu’il envoie une copie pour information au syndic, mais c’est son cocontractant qui est son interlocuteur, c.-à-d. le bailleur, et c’est à lui qu’il doit s’adresser pour formuler des revendications, ou attirer l’attention sur des problèmes.


De même c’est le bailleur qui doit demander à l’assemblée générale des copropriétaires l’autorisation, au cas où le locataire souhaite effectuer des travaux pour lesquels une telle autorisation est requise.


2. Le copropriétaire bailleur reste garant de la jouissance des lieux


L’obligation contractuelle de garantir la jouissance au locataire demeure dans le chef du bailleur, même si le local loué fait partie d’une copropriété. En cas de trouble à sa jouissance, le locataire doit s’adresser au bailleur et non au syndic, que ce soit pour des raisons liées à des problèmes en relation avec les parties communes, ou avec les occupants des autres lots de la copropriété en cas de non-respect du règlement de copropriété par ces derniers.


Par contre la jurisprudence admet que le locataire puisse actionner directement un occupant d’un autre lot en cessation du trouble et en paiement de dommages-intérêts au cas où ce trouble ne provient pas d’une inobservation du règlement de copropriété, mais d’un acte fautif de cet occupant, qu’il s’agisse d’un copropriétaire ou de son locataire.

3. Transmission des informations nécessaires au locataire concernant la copropriété


Du fait que le locataire occupe un immeuble partagé avec d’autres copropriétaires, le bailleur est tenu de transmettre au locataire certaines informations qui ne sont pas communiquées par le syndic à ce dernier, puisqu’il n’est pas copropriétaire, mais qui ont des conséquences sur sa jouissance du local loué. On peut citer, à titre d’exemples, des travaux prévus dans la copropriété nécessitant des précautions particulières ou causant des inconvénients, ou encore une modification du règlement de copropriété.


C. Les rapports entre le locataire et la copropriété

Enfin, entre le locataire et le syndicat des copropriétaires il n’existe aucun lien juridique ; le droit commun s’applique ainsi que quelques dispositions légales spécifiques.

1. Respect du règlement de copropriété


Le locataire est tout d’abord tenu de respecter le règlement de copropriété, même si le contrat de bail ne le prévoit pas. En cas de violation du règlement de copropriété par le locataire, le syndicat des copropriétaires peut directement agir en justice contre lui pour demander la cessation du trouble, voire – en cas d’inertie du bailleur – la résiliation du bail par le biais de l’action oblique

2. Charges


Le locataire n’est pas redevable des charges communes envers la copropriété ; c’est le copropriétaire bailleur qui est le débiteur de ces frais envers la copropriété. Le propriétaire peut demander au locataire le remboursement de ces frais. Le syndic n’a, par contre, aucun droit de réclamer ces frais communs au locataire. De même, toute clause du bail stipulant que le locataire paie sa part des charges – donc les charges locatives – directement au syndic est inopposable à la copropriété, sauf si cette dernière a accepté un tel règlement des charges.


De nombreux litiges entre syndic et locataire portent sur le décompte des charges. Il arrive que des locataires s’adressent directement au syndic pour avoir un décompte de leurs charges, notamment au cas où le bailleur néglige ou refuse de le faire; or, le syndic n’est habilité à fournir ce décompte qu’au seul copropriétaire et il appartient à ce dernier de réclamer au locataire les frais qui sont à charge de ce dernier. Pas plus que le décompte lui-même, le locataire ne peut demander au syndic de lui fournir les détails sur le décompte ; il doit s’adresser de nouveau à son cocontractant, le bailleur qui, lui, pourra transmettre la demande au syndic.


Notons dans ce contexte que dans le cas du seul bail à usage d’habitation, si les frais mis en compte par le bailleur au locataire résultent d’un décompte d’un immeuble soumis au statut de la copropriété approuvé en assemblée générale, les positions de ce décompte à charge du locataire sont présumées justifiées et échues, mais la preuve contraire par le locataire est admise.


3. Troubles de voisinage causés par le locataire


Au cas où le locataire cause un trouble de voisinage, le copropriétaire voisin qui en est la victime a le choix entre une action directe contre le locataire ou une action contre le copropriétaire bailleur.


4. Troubles apportés à la jouissance du locataire par le syndicat des copropriétaires

Si le local loué fait partie d’une copropriété, le trouble apporté à la jouissance du locataire par le syndicat des copropriétaires doit être considéré comme un trouble apporté par un tiers. Le locataire peut donc demander réparation du préjudice lui causé par le syndicat des copropriétaires sur base de l’article 1382 du code civil (responsabilité délictuelle). Au cas où les troubles subis par le locataire sont dus à un vice de construction ou un défaut d’entretien des parties communes, le locataire peut, en tant que tiers, agir directement contre le syndicat des copropriétaires, soit sur le fondement de l’article 1384 du code civil (responsabilité du gardien d’une chose), soit sur base de l’article 11 de la loi du 16 mai 1975 portant statut de la copropriété, qui groupe obligatoirement tous les copropriétaires dans un syndicat ayant pour mission la conservation de l’immeuble et l’administration des parties communes, et qui rend le syndicat des copropriétaires responsable des dommages causés aux copropriétaires « ou aux tiers » par le vice de construction, ou le défaut d’entretien des parties communes. Dans cette seconde hypothèse, le locataire doit prouver la preuve du vice ou du défaut d’entretien, alors que dans la première hypothèse, la cause du dommage peut rester inconnue, mais « le fait de la chose » doit être établi pour que la responsabilité du syndicat en tant que gardien puisse être mise en jeu.


5. Action oblique du locataire contre le syndicat des copropriétaires

Le locataire peut emprunter la voie oblique prévue par l’article 1166 du code civil, si le syndicat des copropriétaires méconnaît les droits du bailleur, comme p.ex. s’il omet de veiller à maintenir en état les parties communes, au cas où le bailleur néglige de défendre ses propres intérêts en la matière.


6. Le locataire et le syndic

Comme pour le syndicat des copropriétaires, il n’existe pas de relation juridique entre le locataire et le syndic, puisque ce dernier n’est que le représentant de la copropriété. Néanmoins, le syndic étant en charge de la gestion administrative et technique de l’immeuble, dans la vie quotidienne il croise souvent le chemin du locataire. En fait, nombreux sont les syndics à soupirer en raison des demandes fréquentes de locataires pour lesquelles le syndic n’est pas, et ne peut pas être, l’interlocuteur.


Ainsi, certains locataires veulent participer à l’assemblée générale des copropriétaires, souvent en raison de doléances pratiques qu’ils peuvent avoir, puisque, contrairement à de nombreux bailleurs, ils occupent une partie de l’immeuble en question, et ressentent de façon plus concrète certains problèmes qu’il peut y avoir. Toutefois aucun locataire ne saurait revendiquer ce droit ; l’assemblée générale est réservée par la loi aux seuls copropriétaires ou à ceux qu’ils ont mandatés pour les représenter. Le seul moyen pour le locataire de s’y présenter consiste à se faire délivrer une procuration par le copropriétaire bailleur.


De même, c’est au bailleur, et non au syndic que le locataire doit demander certains accessoires, comme des clés supplémentaires ou des télécommandes.


De façon générale, le locataire n’a pas à imposer la moindre prestation à effectuer au syndic ; il doit toujours passer par le bailleur.

Enfin, le syndic n’est pas habilité à accepter des paiements de la part du locataire et à imputer ces paiements sur un compte locataire dans le cadre de la comptabilité de la copropriété. Il pourrait le cas échéant le faire – mais en dehors de tout compte et en dehors de la comptabilité de la copropriété – si le copropriétaire le chargeait de la gestion locative de sa partie privative. Dans ce cas toutefois, le syndic n’agirait pas en cette qualité, mais sur base d’un contrat à part conclu avec ce copropriétaire, en tant qu’administrateur de biens, tout en devant veiller cependant à ne pas se laisser entrer dans un conflit d’intérêts entre son mandat de gestionnaire de l’ensemble de la copropriété, et de sa mission de gestion du lot privatif d’un des copropriétaires dans le même immeuble.



Lex Thielen est avocat à la Cour et auteur des livres :

« Les professions de l’immobilier en droit luxembourgeois », Editions Larcier, 2021 (2e édition),

« Le contrat de bail », Editions Promoculture/Larcier 2020 (2e édition – mise à jour, notamment en ce qui concerne le nouveau bail commercial),

« Tout savoir sur l’immobilier », Editions Promoculture/Larcier (2e édition novembre 2016),

« Immobilienrecht in Luxemburg, einfach erklärt » (Editions Promoculture/Larcier 2016),

« Le droit de la construction au Luxembourg » (Editions Promoculture/Larcier février 2018).


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