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Les notions d’achèvement et de réception en droit de la construction

Dernière mise à jour : 10 sept. 2020

Notions voisines mais pas identiques, l’achèvement et la réception sont d’une importance primordiale en droit de la construction.


Nous essayons de faire brièvement le point sur ces deux concepts juridiques, et de vous exposer, sans prétendre à être exhaustifs, les conséquences juridiques les plus importantes qui en découlent. Ce sont notamment les conséquences de la réception, à savoir le point de départ des délais de garanties, lesquelles sont particulièrement compliquées en raison des nombreux cas de figures auquel le justiciable peut être confronté.


Nous tenterons donc de vous donner une première approche ainsi que des explications sur les points essentiels.


Immeuble appartements


1. La notion d’« achèvement »

1.1 Définition de l’achèvement


La notion d’achèvement se rencontre en particulier dans le cadre des ventes en état futur d’achèvement et des ventes à terme.


La vente en état futur d’achèvement est la vente dans laquelle l’acquéreur devient immédiatement propriétaire du terrain ainsi que des parties de la construction déjà érigées, les constructions à venir devenant la propriété de l’acquéreur au fur et à mesure de leur exécution. Le prix est payé par l’acquéreur à mesure de l’avancement des travaux.

Dans le cadre d’une vente à terme, l’acquéreur devient propriétaire de l’immeuble lors de son achèvement, à constater par acte notarié, et paye le prix lors de la livraison de l’immeuble.

Dans le cadre de ces deux ventes, le Code civil définit l’achèvement comme suit : « L’immeuble (…) est réputé achevé (…) lorsque sont exécutés les ouvrages et sont installés les éléments d’équipement qui sont indispensables à l’utilisation, conformément à sa destination, de l’immeuble faisant l’objet du contrat. »


Pour être achevé, les travaux à effectuer par le vendeur ne doivent donc pas être totalement terminés, alors qu’il suffit que l’immeuble soit habitable. Le Code civil précise par ailleurs que les défauts de conformité et les malfaçons non substantiels n’affectent pas l’achèvement de l’immeuble.

Le vendeur est d’ailleurs obligé de construire et de livrer l’immeuble dans le délai à indiquer dans l’acte de vente. Ce délai se calcule par rapport à l’achèvement de l’ouvrage, et non pas par rapport à sa réception.


1.2 Garantie d’achèvement

Dans le seul cas des ventes en état futur d’achèvement, l’achèvement fait l’objet d’une garantie. Le Code civil impose ainsi au promoteur de fournir à l’acheteur une garantie souscrite auprès d’un établissement bancaire, consistant soit dans une garantie d’achèvement de l’immeuble, soit dans une garantie de remboursement des versements effectués par l’acquéreur tout au long de la construction si l’immeuble ne sera pas achevé.


Cette garantie protège l’acquéreur contre une éventuelle faillite du promoteur, ou contre un promoteur qui laisserait le chantier à l’abandon.


1.3 Conséquences de l’achèvement

Les conséquences de l’achèvement revêtent une importance particulière, notamment pour le vendeur.


Suite à l’achèvement complet de l’immeuble, le vendeur n’est en effet plus tenu de fournir de garantie d’achèvement, et peut exiger le paiement de 95 % du paiement du prix, les 5 % restant étant payables au moment de la livraison de l’immeuble. S’il s’agit d’une vente à terme, l’acheteur doit prendre livraison de l’immeuble à son achèvement et en payer le prix.

L’achèvement n’a donc pas de conséquence directe sur les délais de garanties, lesquels courent, en principe, à partir de la seule réception de l’immeuble ou des constructions, tel que nous allons le voir ci-après.


2. La notion de « réception »


2.1 Définition de la réception

La notion de réception connait un champ d’application plus large que la notion d’achèvement, alors qu’elle se rencontre aussi bien dans le cadre des ventes en état futur d’achèvement, que dans le cadre des contrats de louage d’ouvrage que signe un maître d’ouvrage avec un entrepreneur, un architecte ou avec une autre personne.

Nonobstant l’importance de cette notion, le législateur n’en a pas donné de définition dans le Code civil. C’est donc la jurisprudence qui a façonné la notion de réception au cours des années. Ainsi, les juridictions luxembourgeoises retiennent généralement que la réception est un acte unilatéral par lequel le maître d’ouvrage reconnaît de manière non équivoque la bonne exécution des obligations de l’entrepreneur et vaut agréation des travaux accomplis.


Dans le même ordre d’idées, il n’existe aucune procédure légale à suivre pour procéder à la réception. Si normalement la réception se fait par écrit dans un procès-verbal de réception, il faut savoir qu’elle peut aussi se faire de façon tacite et résulter du seul comportement du maître de l’ouvrage, lequel, par exemple, prend possession des lieux et les donne en location à un tiers.


Si la vente en état futur d’achèvement porte sur un immeuble en copropriété, le propriétaire individuel ne peut que réceptionner ses lots privatifs. Pour la réception des parties communes, une procédure est régulièrement prévue dans le contrat de vente en état futur d’achèvement ou dans le règlement de copropriété. En pareil cas il y a lieu de suivre cette procédure. Si cependant aucune procédure n’est prévue, la réception devrait en principe se faire par l’assemblée générale des copropriétaires. Le syndic ne peut que procéder à la réception s’il a spécialement été mandaté à cet effet par l’assemblée générale.

Notons encore qu’en pratique, les travaux peuvent parfois faire l’objet d’une réception provisoire, ou d’une réception avec réserves. La loi ne connaît cependant que la réception définitive, qui est en principe la seule à prendre en considération pour ce qui est des effets découlant de la réception.

Si un maître d’ouvrage refuse la réception des travaux alors qu’il n’a aucune raison de le faire, le constructeur peut l’y contraindre par la voie d’une action en justice.


2.2 Conséquences de la réception


Les conséquences juridiques de la réception sont principalement le point de départ des délais de garanties sous la forme des garanties biennales et décennales portant sur les constructions et travaux effectués.

Un exposé détaillé des délais de garanties sortirait du cadre de la présente note juridique, alors que les situations et cas de figure sont très nombreux.


2.2.1 Notons simplement que dans la cadre d’une vente en état futur d’achèvement les principales garanties s’appliquent comme suit :

  • Pour les vices de construction apparents, le vendeur peut seulement être déchargé lors de la réception, ou après l’expiration d’un délai d’un mois après la prise de possession par l’acquéreur des lieux. En pratique, en présence de vices apparents, l’acquéreur ne devra donc pas donner de décharge au vendeur, sous peine de ne plus pouvoir agir contre le vendeur par la suite. S’il n’a pas donné de telle décharge, il pourra alors agir dans un délai de 30 ans à partir de la réception.

  • L’acquéreur profite d’une garantie de deux ans à partir de la réception pour tous les vices affectant les menus ouvrages (garantie biennale).

  • L’acquéreur profite d’une garantie de dix ans à partir de la réception pour tous les vices affectant les gros ouvrages (garantie décennale).


La différence entre la garantie biennale et décennale réside essentiellement dans la partie de l’ouvrage affectée par le vice. Pour que la garantie décennale puisse jouer, la jurisprudence ne retient plus que le vice doit affecter la stabilité de l’immeuble. Il suffit qu’un gros ouvrage soit affecté par le vice, c’est-à-dire un ouvrage d’une certaine importance qui forme un élément durable de la construction de par sa fonction. Les ouvrages ne rentrant pas dans cette catégorie sont à qualifier de menus ouvrages.

A titre d’exemples, ont été qualifiés de gros ouvrages : tous les éléments de la structure de l’immeuble ; chapes ; fenêtres et portes extérieures ; étanchéité et isolation ; façades ; tuyauterie et conduites d’eau. Ont été qualifiés de menus ouvrages : Revêtements des murs intérieurs, éléments de décoration et vices affectant la seule esthétique.



2.2.2 Dans le cadre d’un contrat d’entreprise, aussi appelé contrat de louage d’ouvrage, les délais de garantie prennent également cours à partir de la réception, et il est également question de garantie décennale pour les vices de construction affectant les gros ouvrages et de garantie biennale pour les menus ouvrages.


En pratique il arrive assez fréquemment que des travaux effectués par un constructeur dans le cadre d’un contrat d’entreprise ne fassent pas l’objet d’une réception (ce qui est beaucoup plus rare dans le cadre d’une vente en état futur d’achèvement). A défaut de réception, la responsabilité du constructeur reste soumise au régime du droit commun : l’entrepreneur est tenu d’une obligation de résultat de fournir un travail conforme aux règles de l’art. Le délai pour agir contre le constructeur est en pareil cas de 30 ans.


2.2.3 Ces exemples de garanties et de délais ne constituent cependant pas tous les cas de figure auquel un vendeur ou un acquéreur peut être confronté, et une analyse détaillée est nécessaire pour identifier la nature exacte du contrat entre les parties (vente ordinaire, vente à terme ou vente d’immeuble à construire, contrat de louage d’ouvrage), la nature du désordre constaté (vice ; malfaçon, défaut de conformité ; caractère caché ou apparent du désordre ; désordre affectant un gros ou un menu ouvrage et compromettant éventuellement la stabilité de la construction), ainsi que la nature du délai de garantie (2 ans, 10 ans, 30 ans avec une obligation de dénonciation dans un bref délai, 30 ans, éventuelles forclusions).


PIERRE GOERENS

Avocat à la Cour


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