Les règles relatives à l’adaptation vers le haut d’un bail d’habitation sont comprises dans les articles 3(5) et 5(5) de la loi modifiée du 21 septembre 2006 sur le bail d’habitation (ci-après la « Loi »).
L’article 3(5) dispose comme suit :
« (…)
Le loyer de tout logement à usage d’habitation fixé en vertu des dispositions qui précèdent [nous insérons : chapitre 2 : De la fixation du loyer et des charges] soit de l’accord des parties, soit par la commission des loyers, soit judiciairement, ne peut faire l’objet d’une adaptation que tous les deux ans.
Cette période de deux ans ne prend pas fin par suite d’un changement de bailleur. En revanche, elle prend fin de plein droit s’il y a changement de locataire sans préjudice des dispositions de l’article 13, alinéa 1er. »
Ce texte légal énonce le principe d’une possibilité d’adapter le loyer tous les deux ans mais ne décrit pas les modalités précises de cette adaptation.
Nous voyons deux modalités d’adapter ce loyer, à savoir une adaptation d’un montant fixe (par exemple x euros tous les 24 mois) ou une clause entre parties se référant à un indice externe mais objectivement vérifiable par tout le monde faisant évoluer le loyer vers le haut mais uniquement toutes les deux années excluant une adaptation à chaque date anniversaire (ou chaque année).
L’article 5(5) dit ceci :
« (…)
Les clauses de valeur conventionnelles qui diffèrent du régime prévu par la présente loi perdront leur effet à partir du premier terme suivant la date d’une réclamation adressée par lettre recommandée au bailleur.
Toutes autres stipulations inscrites dans les contrats de bail et destinées à priver d’effet une disposition de la présente loi sont nulles de plein droit. »
Une clause de valeur ou indexation se définit comme « une modalité imprimée à une obligation de somme d’argent par une convention, une décision de justice ou par la loi qui tend à faire varier le montant de cette obligation (en capital ou intérêts) en fonction d’un élément objectif de référence nommé indice : cour de l’or, monnaie étrangère, coût de la vie, prix du blé coût de la construction » (Vocabulaire juridique CORNU).
La jurisprudence a déjà pu dire que l’augmentation d’un montant fixe de loyer chaque année ou toutes les deux années à compter de l’entrée en vigueur du bail est valable alors qu’il ne s’agit pas d’une clause de valeur faisant référence à un indice externe mais d’une clause d’augmentation de loyer acceptée par les parties.
En matière de bail commercial l’indexation prend souvent la forme de la clause contractuelle suivante :
« A chaque date anniversaire du bail il sera procédé d’office à l’ajustement proportionnel du loyer sur base de l’indice des prix du mois précédant l’échéance annuelle du présent contrat suivant la formule :
Loyer de base x nouvel indice / indice de base = loyer ajusté
En conséquence, la modification dudit indice entraînera automatiquement et sans mise en demeure, une modification proportionnelle du loyer. Ce loyer ajusté ne pourra jamais descendre en dessous du loyer en cours à la date d’adaptation.
Il est expressément convenu que toute renonciation dans le chef du Bailleur relative aux augmentations résultant de la présente clause ne pourra être établie autrement que par une reconnaissance écrite et signée de sa main. »
En matière de bail d’habitation, une adaptation à chaque date d’anniversaire du bail est interdite par application de l’article 3(5) de la Loi, sauf en matière de bail d’habitation non standard (au-dessus d’un seuil légal).
Par contre, il est possible d’adapter le loyer d’un bail d’habitation à condition de respecter (i) la périodicité de 2 années par application de l’article 3(5) de la Loi et (ii) de ne pas avoir réceptionné de courrier recommandé du preneur s’opposant à une telle adaptation par application de l’article 5(5) de la Loi et (iii) à condition que le contrat de bail prévoit une telle adaptation de manière claire et non équivoque.
La pratique montre que de nombreux preneurs travaillant au Grand-Duché sont d’accord d’adapter quelque peu leur loyer vers le haut avec l’inflation surtout lorsque leurs salaires augmentent via l’échelle mobile des salaires et que cela ne génère par de contentieux particulièrement fourni.
A l’appui de la validité des clauses d’indexation en matière de bail d’habitation standard, il faut encore noter que des règles protectrices des locataires entraînant tout au plus une non validité ou nullité relative (non rétroactive) et non une nullité absolue rétroactive.
Il est admis que si cette personne [locataire] ne peut renoncer d’avance à la protection que lui assure cette règle de droit elle peut néanmoins renoncer à cette protection une fois que l’événement que la loi était censée prévenir s’est passé. Il en découle que le locataire ne peut plus réclamer le remboursement des loyers payés librement sur base du contrat de bail conclue entre parties, mais dépassant le prix du loyer résultant des dispositions de la loi du 14 février 1955 [remplacée par la loi du 21 septembre 2006] ». (Pasicrisie luxembourgeoise, tome 31, page 304, n°33, Le Bail à Loyer Compte rendu de jurisprudence, Marianne HARLES).
Le prix du loyer dépassant le prix du loyer résultant des dispositions de la Loi serait, par exemple, un loyer perçu sur base d’une clause d’adaptation annuelle et non bi-annuelle.
Il est donc erroné d’affirmer que la clause d’adaptation du loyer dans un bail d’habitation standard est interdite ou pas permise sur base de l’article 5(5) de la Loi puisque elle est possible en respectant les 3 conditions i et ii et iii, précitées.
La sanction maximale qui peut arriver à un propriétaire qui a exigé l’insertion de cette clause dans un bail d’habitation standard est de réceptionner un courrier recommandé de son locataire qui réclame l’arrêt de cette adaptation sur base de l’article 5(5) de la Loi mais uniquement pour le futur alors que tout paiement du loyer, y compris l’adaptation, ayant eu lieu ne pouvant plus être réclamé à titre de remboursement.
L’indice le plus fréquent et le plus facile à mettre en œuvre est une référence aux moyennes semestrielles (dénommé IPCN Base au 1.1.1948), par opposition à l’indice de construction ou l’indice de l’échelle mobile des salaires ou l’indice IBCN Base 100 en 2015, également publiés par l’autorité publique STATEC.
Un bail d’habitation est signé le 1 novembre 2015 pour un loyer mensuel de 2.000 euros avec un indice applicable au jour de signature de 829,74. Au 1er novembre 2017, le loyer pourrait être adapté au montant de 846,38 / 829,74 x 2000 = 2.040 euros à partir du 1er novembre 2018. Un courrier d’adaptation pourra être envoyé au locataire réclament l’arriéré des adaptations non payés et la modification de l’ordre permanent pour les prochains paiements.
Un tableau avec les moyennes semestrielles de l’indice fréquemment applicable en matière de bail à loyer est le suivant :
Dans un bail d’habitation standard (loyer inférieur à un seuil légal), la clause pour l’adaptation du loyer tous les deux ans pourrait prendre la forme suivante :
« Conformément à l’article 3(5) de la loi du 21 septembre 2006 sur le bail d’habitation, le loyer subira une adaptation qui sera calculée en fonction de l’augmentation de l’indice officiel du coût de la vie publié par le STATEC (moyennes semestrielles rattachées au 1.1.1948) tous les deux ans à compter de l’entrée en vigueur du présent bail. Le nouveau loyer sera communiqué par lettre recommandé au preneur, avec un mois de préavis, qui devra s’en acquitter dès la première échéance à venir. L’indice qui servira de référence est celui publié par le Statec au jour de signature du présent bail. »
Dans un bail d’habitation non standard (anc. appelé « logement de luxe ») avec confort moderne et comprenant une clause spécifique en ce sens, l’adaptation peut se faire à chaque date d’anniversaire (voir AGI News #4) comme en matière commerciale avec la formule traditionnelle (nouvel indice / ancien indice x loyer à adapter).
Luc JEITZ
Avocat à la Cour
luc.jeitz@jeitz-goerens.lu
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